En ce début de mois j’ai été contactée par une journaliste freelance basée au Luxembourg. Elle est tombée sur mon blog, et elle l’a trouvé frais et plein d’humour. Et oui ! enfin une qui sait me lire entre les lignes, hin hin hin ! ce qui change de tous ces gens qui trouvent mes billets négatifs…
1/ Pourquoi cette passion pour le web jusqu’à en faire une vocation ?
Difficile à expliquer, je suis tombée dans le web quand le web est né. A cette époque, Je travaillais dans le high tech, les connexions réseaux, Internet etc… C’était une évolution logique de ma carrière. Maintenant, de là à dire que j’en ai fait une vocation, non. Le mot est un peu fort.
2/ Rare de trouver une quinqua dans cette spécialité. Et de surcroît, vous maîtrisez, à vous toute seule, des compétences qui, d’habitude, sont partagées par plusieurs spécialistes. Y a-t-il un âge limite pour être une experte du web ?
Je suis très flattée que vous ayez constaté cela. Il est juste dommage que les employeurs s’en rendent nettement moins compte quand il s’agit de m’embaucher. (sourire)
Ceci dit, je ne pense pas que je sois un cas aussi rare que ça, bien au contraire. Il ne faut pas oublier que le Web, né en 89, a été lancé officiellement en 91. Parmi ceux qui ont suivi le mouvement dès le départ, il y avait beaucoup de trentenaires, les mêmes qui sont rejetés aujourd’hui en raison de leur âge. Ce sont eux qui ont contribué à l’évolution du web. Les plus jeunes ont ensuite suivi, mais leurs ainés, les quadras, les quinquas d’aujourd’hui, et les plus anciens qui sont à la retraite maintenant, n’ont pas lâchés pour autant. Ils ont acquis comme moi au cours de ces 20 dernières années ces diverses compétences, et continuent à évoluer avec les technologies.
Alors non il n’y a pas d’âge limite pour exercer l’un des métiers du Web ! De la conception à la communication/marketing, en passant par la programmation, la création graphique et la production sans oublier la formation, ces métiers sont suffisamment nombreux pour que chacun y trouve sa place selon ses expériences, et même les quadras/quinquas dont les savoir-faire ne s’envolent pas à une date d’anniversaire !
3/ Des études ont montré que les seniors envahissent de plus en plus le web et les réseaux sociaux. Que pensez-vous de ce trend ?
Je ne suis pas les études de ce genre là, d’autant moins que j’ai déjà entendu ce refrain il y a une dizaine d’années. D’ailleurs, ça me sidère que l’on sorte des trucs pareils en 2011.
Soit on est en pleine régression, soit les études racontent n’importe quoi.
Ça fait des années que la e-administration existe ; ça fait des années qu’on déclare nos impôts en ligne ; qu’on fait nos courses en ligne ; qu’on utilise les réseaux sociaux pour trouver un job, des partenaires, ou même des clients ; qu’on partage nos photos en ligne, qu’on tchat, qu’on papote sur des forums, et j’en passe…
Et là, on veut nous faire croire que les seniors viennent de découvrir que le web existe ! Oh miracle !
Non franchement ! Il faut arrêter de nous prendre pour des neuneus. De toute façon, c’est ridicule, quand on dit qu’il y a de plus en plus de quinquas sur le Web, ben oui forcément, la plupart y est depuis 10/ 15 ans, sans parler des réseaux sociaux depuis 4/5 ans.
Seulement quand ils ont commencé à s’y mettre, ils n’avaient pas encore l’âge fatidique pour rentrer dans les statistiques.
4/ Le marché des produits pour seniors est en plein boom, comme par exemple celui des voyages, des produits de beauté, des cours de langues… Que pouvez-vous conseiller aux entreprises qui visent le marché des seniors ?
Vue comment sont traités « les seniors » du monde du travail en France, je doute fort qu’ils puissent profiter de tous ces produits une fois à la retraite. A moins que la cible soit les seniors retraités de plus de 70 ans, ceux qui ont encore la chance aujourd’hui d’avoir une pension correcte… Et encore il n’y en a pas tant que ça !
Si vraiment dans l’avenir les entreprises veulent que les seniors dépensent de l’argent, elles feraient bien de changer de mentalité et de ne pas mettre les quadras/ quinquas au chômage, réduisant ainsi très fortement leur pouvoir d’achat.
Le marché des seniors ne peut fonctionner que s’ils ont les moyens de dépenser. Et pour qu’ils dépensent, il leur faut un travail jusqu’à la retraite avec un salaire décent pour qu’il puisse avoir une pension convenable, et pas une aumône, résultante d’années de précarité et de chômage !
5/ C’est juste ! Alors, à votre avis, ces entreprises qui, d’un côté, lancent des produits pour seniors, et de l’autre, licencient leurs employés seniors sont-elles crédibles ou sincères ?
Les entreprises ne sont absolument pas crédibles. D’un côté elles mettent les quadra/quinquas sur la paille, et de l’autre elles voudraient toucher la clientèle des +de 65 ans, leur stratégie est totalement incohérente !
Il est temps qu’elles se rendent compte que les gens qu’elles ciblent sont d’abord des salariés avant d’être des retraités. Il est temps qu’elles arrêtent de faire de la discrimination par l’âge, et d’avoir une vision à court terme. En licenciant et en n’embauchant pas les quinquas d’aujourd’hui, elles contribuent à leur paupérisation, et se coupent elles-mêmes d’une future clientèle. Tout le monde vieillit et vite, il ne faut pas l’oublier. Il n’y aura plus de marché des seniors possible si ceux-ci n’ont même pas de quoi payer leurs charges une fois à la retraite !
Franchement avec une telle stratégie, l’économie n’est pas prête de se redresser.
6/ Représentez-vous la senior du 21ème siècle? Si oui, comment vous définissez-vous ?
Non, je ne représente rien du tout, et surtout pas la senior du 21ème siècle, du moins je ne le souhaite pas. Parce que si tous les seniors sont dans la même situation que la mienne, leur avenir s’annonce bien triste.
En effet, j’ai à peine 55 ans et j’ai encore au moins dix bonnes années de travail devant moi avant la retraite sans être sure d’en trouver. D’autant moins que ça fait déjà 10 ans que ma vie a basculé dans le chômage et la précarité, tout ça parce que je suis cataloguée comme « senior » depuis l’âge de 45 ans ! Au total ça fera 20 ans de vie professionnelle gâchée pour un critère d’âge, c’est énorme ! Et je ne parle même pas des dommages collatéraux…
Alors franchement non, dans ces conditions là, je ne veux pas être la senior du 21ème siècle !
Par contre je voudrais que les mentalités changent enfin, et qu’on arrête de mettre les gens dans des cases, que chacun ait un travail en fonction de ses compétences, et surtout une vie décente !